ACHPR63 | Conclusions de la 63ème session de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

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La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission Africaine) a tenu sa 63ème session ordinaire du 24 octobre au 13 novembre 2018. Cette session a été marquée par la célébration du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du 20ème anniversaire de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme.

Lors de la session ordinaire de la Commission Africaine qui s’est tenue à Banjul, la situation des droits humains en Afrique a, une nouvelle fois, fait l’objet de débats.

Un total de 690 délégué.es ont participé à cette session, soit 71 participant.es de plus que lors de la session précédente (+11,5 %). Sur les 53 États parties à la Charte, 27 étaient représentés, ce qui équivaut à un taux de participation d’environ 51 %. On ne peut que se féliciter de cet intérêt accru pour les travaux de la Commission Africaine, à un moment où la situation des droits humains sur le continent est particulièrement critique.

La Commission Africaine a examiné la situation des droits humains dans trois pays : l’Angola, le Botswana et le Togo. Dans le cadre de cet examen, les trois États ont présenté leur rapport dans le détail et ont répondu aux questions posées par la Commission Africaine, notamment les procédures spéciales. Des ONG ont également pu donner leur avis et commenter les déclarations des États concernant la situation des droits humains sur leurs territoires respectifs.

Cette session a avant tout permis de réfléchir à ce que la Commission Africaine a apporté à l’Afrique en matière de promotion et de protection des droits humains, alors que le continent est en voie de démocratisation. Les tables rondes organisées dans le cadre des célébrations mentionnées précédemment ont permis à ISHR d’examiner les travaux menés par la Commission Africaine pour mettre en œuvre ces instruments essentiels en matière de droits humains, mais également les incidences négatives de la corruption sur la promotion de la démocratie, thème de la Journée africaine des droits de l’Homme 2018.

70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : où en est l’Afrique ?

Mme Soyata Maiga, Présidente de la Commission Africaine, a ouvert la session en soulignant la nécessité de saisir cette importante occasion pour se pencher sur la situation des droits humains en Afrique.

Les principales difficultés en matière de protection des droits humains en Afrique ont été évoquées, notamment la crise anglophone au Cameroun et les multiples violations des droits humains qu’elle a entraînées. La Commission Africaine s’est également penchée sur la crise politique en République démocratique du Congo (RDC), ainsi que sur la persistance de la crise au Burundi qui, entre autres, touche de plein fouet les défenseur.es des droits humains.  

Malgré ces situations alarmantes, la Commission Africaine s’est réjouie des avancées notables réalisées dans la mise en œuvre de la Déclaration universelle.     

La Commission Africaine a félicité la Gambie, qui a ratifié récemment le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ouvrant la voie à l’abolition de la peine de mort dans le pays. En Éthiopie, un accord de paix et de désarmement a été récemment signé avec des groupes de l’opposition.

Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la Déclaration soit pleinement mise en œuvre et la Commission Africaine est consciente des obstacles qu’il lui faudra encore lever au cours des 70 prochaines années.

Vingt ans après l’adoption de la Déclaration de l’ONU sur les défenseur.es des droits humains, quels problèmes demeurent ?

Lors de cette session, un point important a été souligné : en Afrique, les défenseur.es des droits humains n’ont jamais été plus vulnérables. La Commission Africaine a reçu des informations selon lesquelles des défenseur.es auraient été arrêté.es et détenu.es arbitrairement au Cameroun, au Gabon, en Égypte, en RDC et au Soudan. Certains gouvernements réduisent les défenseur.es au silence et les empêchent de s’exprimer librement. Les témoignages des ONG se sont succédé, dressant un tableau inquiétant de la situation sur le continent. Certaines avancées dans la mise en œuvre de la Déclaration ont néanmoins pu être constatées.

Le Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, également Rapporteur spécial sur les défenseur.es des droits humains à la Commission Africaine, a par exemple salué la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali, qui ont été les premiers pays d’Afrique à adopter une législation nationale promouvant et protégeant le travail des défenseur.es. Il a par ailleurs demandé aux États qui étaient en train d’élaborer une loi de ce type de ne pas profiter de l’occasion pour restreindre encore les droits des défenseur.es mais, au contraire, de veiller au respect des dispositions de la Déclaration.

Différentes questions ont été soulevées au cours de la session, notamment celle de savoir comment les pays africains pouvaient assurer la protection des défenseur.es des droits humains au cours des vingt prochaines années.

L’indépendance de la Commission Africaine mise en doute

Parmi les thèmes épineux abordés lors de cette session figurait la question de l’indépendance de la Commission Africaine. En effet, en retirant son statut d’observateur à la CAL (Coalition of African Lesbians) sous la pression de l’Union Africaine en août dernier, la Commission Africaine s’est attiré les foudres des organisations de la société civile africaine.

Mme Maiga a expliqué qu’elle comprenait la frustration provoquée par cette décision, considérée par beaucoup comme une entrave à l’indépendance de la Commission Africaine et une restriction de la protection des défenseur.es des droits humains et du champ d’action de la société civile. Elle a réaffirmé la volonté de la Commission Africaine de défendre l’universalité des droits humains et d’exécuter son mandat dans le respect des principes énoncés dans la Charte Africaine, comme la non-discrimination, l’égalité de traitement pour tous et toutes, la protection de l’intégrité physique et le respect de la dignité humaine. Mme Maiga a ensuite appelé les États, les institutions nationales des droits de l’Homme et la société civile à rester mobilisé.es pour défendre le système africain des droits humains, et dissiper les idées reçues et les stéréotypes véhiculés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

S’exprimant au nom du Président de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, la juge Tujilane Rose Chizumila a ensuite rappelé avec force combien il était important que la Commission Africaine exécute son mandat en toute indépendance et ne se laisse pas influencer par d’autres organes de l’Union Africaine. « La Cour reste préoccupée par le récent malentendu sur la manière dont les organes et institutions des droits humains, établis par l’Union Africaine elle-même et spécialement chargés de la protection et de la promotion des droits humains en Afrique, doivent s’acquitter de leur mandat. La tendance observée est inquiétante car elle va à l’encontre des résolutions et valeurs maîtresses que l’Union Africaine et ses États membres ont adoptées en toute indépendance. Deux de ces valeurs sont l’état de droit et l’indépendance des organes juridictionnels, valeurs que l’Union Africaine a toujours défendues, allant jusqu’à les élever au rang de ses principes fondamentaux. » 

D’une manière générale, ces débats ont permis de mettre en évidence certaines des faiblesses de la Commission Africaine et l’impact que celles-ci peuvent avoir sur les tendances actuelles qui restreignent le champ d’action de la société civile.

En conclusion, lors de cette session, la Commission Africaine a eu plus de temps pour examiner les crises des droits humains qui demeurent préoccupantes sur le continent et a adopté onze résolutions :

Contact : Adélaïde Etong Kame, consultante spécialiste du plaidoyer pour l’Afrique, [email protected]

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