Commission Africaine | Conclusions du Forum des ONG

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Cette année, la 37èmesession du Forum des ONG a été marquée par la célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des 20 ans de la Déclaration de l’ONU sur les défenseur.es des droits humains, ainsi que par la commémoration de la Journée africaine des droits de l’Homme 2018.

La situation des droits humains en Afrique

Lors de l’exposé liminaire sur la situation des droits humains en Afrique, les participant.es ont dressé un tableau très alarmant. En effet, les États continuent de réduire l’espace civique, les défenseur.es font l’objet de menaces et leurs bureaux sont placés sous surveillance par les services de renseignement. La liberté de réunion et d’association est encore largement réprimée. Au Burundi, le gouvernement a récemment suspendu toutes les ONG internationales, exigeant qu’elles signent quatre documents pour reprendre leurs activités, dont un qui leur impose des quotas ethniques et des règles de gestion financière très strictes. Le 18 octobre, en République démocratique du Congo (RDC), plusieurs personnes ont été arrêtées alors qu’elles manifestaient pacifiquement pour un meilleur accès à l’eau potable. De même, le 20 août, au Togo cette fois, des manifestant.es ont été dispersé.es à l’aide de gaz lacrymogène alors qu’ils/elles protestaient contre la hausse du coût de la vie. L’Égypte, l’Érythrée et Djibouti comptent parmi les pays africains les plus restrictifs en matière de droits humains ; les défenseur.es continuent d’y subir des représailles en raison de leur coopération avec les mécanismes de l’ONU. En Égypte, le recours abusif aux lois antiterrorisme dans le but de déplacer et d’emprisonner les défenseur.es des droits humains qui s’opposent au régime est extrêmement préoccupant.   

Le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et l’état de la promotion, de la protection et de la réalisation des droits de l’Homme et des peuples en Afrique

Pourquoi assiste-t-on toujours de graves manquements aux droits humains en Afrique, 70 ans après l’adoption de l’instrument le plus significatif pour les droits humains jamais mis en œuvre ?

Cette célébration a été l’occasion d’évoquer les réussites, les échecs et les problématiques émergentes de notre époque. Elle a également permis d’élaborer des plans et des stratégies visant à renforcer la mise en œuvre de la Déclaration universelle dans les années à venir. La Présidente S. E. Mme Soyata Maiga a souligné la nécessité de reprendre le dialogue et de repenser nos stratégies et nos projets pour tenter de comprendre pourquoi les lacunes sont si nombreuses. En effet, même si tous les pays africains font référence à cet instrument dans leur législation, ils font en réalité très peu pour le mettre en œuvre et garantir pleinement les droits qu’il établit.  

Le 20èmeanniversaire de la Déclaration de l’ONU sur les défenseur.es humains

L’année 2018 est une année importante pour l’ensemble des défenseur.es des droits humains en Afrique. C’est l’occasion de célébrer leur courage et leur acharnement à défendre les droits humains, même quand leurs propres droits sont bafoués.  

Un groupe d’expert.es a présenté l’évolution de la protection des défenseur.es depuis l’adoption de la Déclaration, soulignant les obstacles qu’ils/elles continuent de rencontrer dans leur travail. En effet, à travers toute l’Afrique, les États s’emploient à ternir l’image des défenseur.es. Cette célébration nous rappelle l’ampleur du travail accompli par les défenseur.es et la nécessité de le reconnaître plutôt que de le réprimer.

Différentes questions ont été soulevées, s’agissant notamment de savoir comment garantir la protection des défenseur.es en tant qu’acteurs et actrices de la démocratie.

La commémoration de la Journée africaine des droits de l’Homme 2018

Cette année, la Commission Africaine a commémoré la Journée africaine des droits de l’Homme aux côtés de la la société civile dans le cadre du Forum des ONG. La Commission a choisi ce cadre afin que la société civile, actrice majeure de la promotion et de la protection des droits humains, soit pleinement incluse et reconnue.

Cette année, le thème choisi était « Lutter contre la corruption et promouvoir les droits de l’homme : une responsabilité collective ». En effet, la corruption nuit au développement et à la démocratie. Elle porte atteinte aux droits des citoyens à différents niveaux, notamment lorsqu’elle survient dans les domaines des industries extractives ou de l’accès à la justice. Quand un gouvernement accepte des pots-de-vin de la part d’une entreprise minière et laisse celle-ci exploiter des terres sans accorder la moindre considération à la population concernée, il compromet gravement les droits de ses citoyen.nes. C’est pourquoi cette commémoration était si importante aux yeux des acteurs et actrices de la société civile qui assistaient au Forum : le rôle qu’ils/elles jouent dans la responsabilisation des gouvernements qui se livrent à la corruption est primordial. Cependant, pour que ces acteurs et actrices puissent agir, il est important que les États leur garantissent un environnement de travail sûr et favorable. L’Afrique reste touchée, massivement et profondément, par la corruption et il reste encore beaucoup à faire pour éradiquer ce fléau.     

Groupes d’intérêt

Réparti.es en petits groupes d’intérêt, les participant.es se sont penché.es plus avant sur les incidences de la corruption sur certains aspects particuliers des droits humains, tels que la protection des défenseur.es, les industries extractives, l’environnement et les violations des droits humains, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ou encore la liberté d’expression.

À la suite de ces discussions, les participant.es ont élaboré des recommandations qu’ils proposeront à la Commission Africaine pour examen. Ces recommandations sont notamment les suivantes :

  • Participer à la formulation d’une position africaine commune concernant l’instrument juridiquement contraignant relatif à la responsabilisation des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en cas de violations des droits humains
  • Développer des lois et des règlements en faveur de la reconnaissance des sites et territoires traditionnels et ancestraux, et des systèmes de gouvernance coutumiers qui les protègent (mettre en œuvre une loi type conforme à la résolution 372 (LX) 2017)
  • Élaborer et adopter des lois reconnaissant et protégeant les défenseur.es des droits humains
Résolutions adoptées qui seront soumises à la Commission Africaine pour examen 

Résolutions thématiques :

  • Résolution sur la liberté d’expression et l’accès à l’information
  • Résolution sur l’abolition de la peine de mort en Afrique, notamment pour les femmes condamnées à mort
  • Résolution sur la situation des femmes défenseures des droits humains en Afrique centrale

Résolutions par pays :

  • Résolution sur les droits humains en Somalie
  • Résolution sur les droits humains au Burundi
  • Résolution sur les graves violations des libertés fondamentales au Cameroun et au Gabon en période électorale
  • Résolution sur la République démocratique du Congo

Rassemblant des défenseur.es de toute l’Afrique, ce Forum de trois jours a illustré toute la mobilisation, la solidarité et la détermination de la société civile sur le continent.

 

Contact : Adélaïde Etong Kame, consultante spécialiste du plaidoyer pour l’Afrique, [email protected]

 

Photo: John Gbenagnon/ACDHRS

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