ACHPR59 | Bilan de la 59ème session

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Clément Voule, du Service International pour les Droits de l'Homme (sigle anglais ISHR), revient sur les débats et les conclusions de la 59ème session de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

La Commission Africaine a tenu sa 59ème session à Banjul, en République de Gambie, du 21 octobre au 4 novembre 2016. Cette session s’est articulée autour du thème choisi par l’Union Africaine pour l’année 2016, à savoir les droits de l’Homme avec une attention particulière pour les droits des femmes.

L’ordre du jour de cette session ordinaire a fait écho à la volonté de la Commission Africaine de célébrer les avancées en matière de droits humains sur le continent et de réfléchir aux obstacles qui restent à surmonter dans ce domaine.

D’autres sujets ont été abordés au cours de cette session, notamment :

  • la ratification et l’incorporation des instruments relatifs aux droits humains de l’Union Africaine,
  • le stade de mise en œuvre des décisions prises par les organes de l’Union Africaine s’occupant des droits humains,
  • le rôle des mécanismes spéciaux de la Commission Africaine dans le renforcement des droits des femmes en Afrique, et
  • la synergie et la coordination entre les organes de l’Union Africaine s’occupant des droits humains et les mécanismes relatifs aux droits humains et à la justice transitionnelle.

Deux pays ont été examinés conformément à l’article 62 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Cet article requiert que les États parties soumettent, tous les deux ans, des rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Charte Africaine à l’échelle nationale. Le gouvernement de Côte d’Ivoire a présenté son rapport périodique pour les années 2012 à 2014 et Maurice a présenté un rapport périodique combiné pour les années 2009 à 2015.

Conclusions de la session

La Commission Africaine a adopté un total de 11 résolutions, dont cinq concernent la situation des droits humains dans les pays suivants :

  • la République fédérale démocratique d’Éthiopie,
  • la République du Burundi,
  • la République démocratique du Congo,
  • la République du Gabon, et
  • la République de Gambie.

Des résolutions thématiques ont été adoptées concernant les questions suivantes :

  • les critères d’octroi et de maintien du statut d’observateur pour les organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine des droits de l’Homme et des peuples en Afrique,
  • le droit à la liberté d’information et d’expression sur Internet en Afrique,
  • la nécessité d’élaborer des directives sur la surveillance policière et les rassemblements en Afrique, et
  • l’élaboration de directives pour l’établissement de rapports dans le domaine des industries extractives.
  • La Commission Africaine a examiné 15 communications et a accordé trois demandes de mesures conservatoires.

La Commission Africaine a examiné le rapport périodique de la République du Mali et le rapport de sa mission de promotion en République du Sénégal, et a adopté ses observations finales en la matière.

Même si de nombreux progrès ont été réalisés dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains sur le continent, les débats qui ont eu lieu lors de cette session commémorative de l’Année des droits de l’Homme avec une attention particulière pour les droits des femmes ont mis en évidence la persistance d’énormes problèmes en matière de protection des droits humains en Afrique.

Le premier enjeu est celui de la ratification universelle d’instruments clés relatifs aux droits humains par tous les pays de la région, notamment le Protocole de Maputo sur les droits des femmes en Afrique et le Protocole portant création de la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme. Peu de pays appliquent l’article 34.6 de ce dernier Protocole qui permet aux citoyens qui le souhaitent de saisir la Cour. Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance n’a pas non plus fait l’objet d’une large ratification sur le continent.

Un deuxième problème reste prégnant : celui de la participation des femmes à la vie publique et de l’égalité des sexes. Plusieurs pays appliquent toujours des lois discriminatoires qui devraient être révisées. D’autre part, la nécessité de lutter contre les violences sexuelles sur le continent demeure impérieuse.

Le troisième obstacle à surmonter est la multiplication des conflits et l’instabilité croissante observées sur le continent, notamment au Burundi, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo.

Bien que de nombreux pays aient réalisé des progrès en termes de démocratisation et d’établissement d’un état de droit, les retours en arrière constatés dans des pays comme le Soudan du Sud et le Burundi jettent une ombre sur l’ensemble de l’Afrique et mettent en péril l’application des droits humains sur le continent. Ces crises et l’absence de perspectives économiques qui touche la plupart des africains entraînent une augmentation des flux migratoires, qui exposent les migrants africains à de graves formes de violence et à des violations des droits humains lors de leur fuite.

Au cours de cette session, ISHR a organisé des événements et a fait des déclarations portant sur la nécessité de reconnaître la contribution des défenseurs des droits humains à la consolidation de l’état de droit en Afrique. ISHR a également souligné l’importance de créer un environnement sûr et favorable pour le travail des défenseurs.

Dans le cadre du développement de son plan d’action décennal pour les droits humains, l’Union Africaine doit impérativement veiller à prendre en compte les problèmes de droits humains qui persistent sur le continent et à établir des mesures concrètes et applicables pour les résoudre, notamment en protégeant plus fermement l’espace et les activités de la société civile en Afrique.

Les victimes africaines de violations des droits humains doivent être les premières bénéficiaires de la mise en œuvre de ce plan. Nous devons œuvrer afin de garantir que les gouvernements feront preuve de la volonté politique nécessaire pour tenir leurs promesses.

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